Analyse de l’échec au box-office de The Knight of Shadows: Between Yin and Yang

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C’est un fait, THE KNIGHT OF SHADOWS : BETWEEN YIN AND YANG a fait un bide au box-office. Ni le nom de Jackie Chan, ni les récentes stars du cinéma chinois ont été en mesure de sauver le film. Avec moins de 25M$ de recettes seulement, c’est un rejet sans appel de la part du public chinois.

Néanmoins, les quelques extraits et bandes annonces aperçues laissent entrevoir une « ghost story » comique mais aussi sincère et une intention « old school » fort appréciable en ces temps racoleurs.

Ce ressentit trouve un écho dans les critiques professionnelles qui ont en majorité apprécié le film (contrairement à Bleeding Steel), le trouvant très divertissant grâce notamment à Jackie Chan qui délaisse ici les combats mais démontre un timing comique intact. Tandis que l’histoire d’amour tragique entre Elane Zhong et Ethan Juan remplie son contrat, même si le duo ne fait pas le poids face à Leslie Cheung et Joey Wong dans Histoire de Fantôme Chinois.

À contrario, le public lui rejette le film à partir de plusieurs petites mauvaises décisions qui s’additionnant finit par faire tâche. N’échappant pas à l’éternel difficulté de savoir juger un film pour ce qu’il est et non celui qu’on aimerait voir, le public accuse le film d’être trop éloigné du style habituel de Jackie Chan et quasi absent lors de la deuxième partie du récit (l’histoire d’amour). Il accuse également le film de ne pas savoir sur quel pied danser. Un film de fantaisie ? romantique ? comique ? triste ? La trop grande palette d’émotion proposé ici, semble bien avoir désorienté le public, ne sachant par quel bout le prendre et le classer.

Le public accusant également le film ne pas être un film de « détective » comme la saga Detective Dee de Tsui Hark, le titre chinois « Detective Pu Songling » a participé lui aussi à cette désorientation. 

Sans compter que les effets numériques illégaux du film ne peuvent pas rivaliser avec les films hollywoodiens qui envahissent depuis 2012 les salles de cinéma, car le public chinois fait maintenant clairement la différence et ils ne se gênent pas pour le faire remarquer.

Enfin, c’est carrément l’aspect historico-culturel qui est pointé. Jackie Chan interprète le célèbre écrivain Pu Songling. Celui-ci est issu de la dynastie Qing. A cette époque, les chinois devaient adopter la coiffure mandchoue, en se rasant le devant du crâne et en nouant les cheveux restants à l’arrière, sous forme de natte. Hors, dans le film, Jackie Chan abord une jolie chevelure plaqué en arrière. La relecture ne passe pas non plus et signe définitivement un mauvais bouche-à-oreille.

Pourtant le film de Vash Yan-Jia était le seul film de fantaisie en costume du Nouvel An Chinois, genre très populaire durant ces festivités comme l’atteste les succès des sagas Journey to the West, Monkey King et Monster Hunt. Mais alors comme expliquer un tel désaveu pour KNIGHT OF SHADOWS ?

 

LA CONCURRENCE

Un mauvais box-office n’est pas synonyme de mauvais film et vice versa. Il arrive parfois qu’un film puisse ne pas trouver son public. En ce nouvel an chinois 2019, pas moins de 13 films se sont fait concurrence et avec du très lourd en face : The Wandering Earth, un blockbuster de science-fiction très attendu avec le record man du box-office Wu Jing et trois grosses comédies par des auteurs et comédiens très populaires (Crazy Alien, Pegasus, et New King of Comedy de Stephen Chow) et deux films d’animations pour enfants : Boonie Bears 6 et Peppa Pig Celebrates Chinese New Year.

Sur le plan de la comédie et des films pour enfants, THE KNIGH OF SHADOWS était en mauvaise posture. Sur le plan du spectaculaire à effets spéciaux également : avec 48M$, le budget de The Wandering Earth est quasi le double de la fantaisie avec Jackie Chan (env. 25M$). Le côté purement romantique ne faisant pas le poids en cette période festive, il ne restait que la présence de Jackie Chan. Malheureusement, celui ne se bat quasiment pas dans le film. Très loin de son style habituel, cela peut expliquer le faible bouche-à-oreille. Le public masculin généralement le plus présent sur un Jackie Chan, ne s’est pas déplacé contrairement au public féminin qui a beaucoup plus répondu présent.

LA NOUVELLE FORMULE ?

A 65 ans en avril prochain, Jackie Chan ne peut plus rivaliser avec sa grande période casse-cou (et hallucinante) des années 80 et 90. Le jeune public chinois ne connait pas ses exploits, préférant des jeunes acteurs de leur génération. Même si Jackie continue dans le cinéma d’actions (Les futurs Project X-Traction et Vanguard), il tente également d’investir de nouveaux genres, essayant d’habituer le public à cette nouvelle « image » : sans combat, mais rôle divers. Police Story 2013, Dragon Blade, Railroad Tiger, The Foreigner, Bleeding Steel sont clairement des tentatives en ce sens. Après Chinese Zodiac, Jackie Chan n’aura fait que deux films dans son style habituel : Skiptrace et Kung Fu Yoga (les deux films qui ont le mieux fonctionné au box-office). Avec THE KNIGHT OF SHADOWS, Jackie Chan pousse encore plus loin le changement en ne se battant quasiment pas dans le film.

Kung Fu Yoga réalisé par Stanley Tong est son plus grand succès depuis l’ouverture du marché cinématographique en Chine. C’est Stanley Tong qui a soufflé à Jackie Chan l’idée de cette nouvelle formule. Dans un récent entretien pour l’émission tv chinoise « Movie Talk », Stanley Tong estime que la bonne audience des films de Jackie Chan est due à la combinaison avec un lot de jeunes acteurs à ses côtés : « Les jeunes acteurs d’aujourd’hui ont une bonne base populaire. En cela, Jackie Chan peut en profiter pour jouer des rôles différents et dans divers genres de films. En tant qu’acteur de 64 ans ayant connu le succès, cette volonté de changer est un vrai défi et très respectable ».

De notre côté, on préféra la formule qui vise à associer Jackie Chan avec une autre star et réalisateur confirmé comme pour The Foreigner où Jackie Chan et Pierce Brosnan font des étincelles sous la direction du vétéran Martin Campbell. Et le box-office chinois ne sait pas tromper. The Foreigner a réalisé 80M$, pour un investissement de 30M$ dans un genre qui n’est pas non plus synonyme de succès populaire. On parle ici d’attentat, de vengeance. Sans compter que le film dépeint un univers politique (l’IRA, l’Angleterre) très éloigné de la Chine. Succès incontestable donc.

DES SIGNES AVANT-COUREURS

Les premiers signent de ce désaveu ont commencé dès décembre 2016 avec Railroad Tigers où le public, s’étant malgré tout déplacé en masse pour voir le film, était resté sur sa faim critiquant Jackie Chan d’être au second plan au profit des jeunes comédiens emmené par Wang Kai, Jaycee Chan et Huang Zitao. Si malgré son casting très jeune, Kung Fu Yoga a su passer à travers les gouttes, ce n’est pas le cas avec Bleeding Steel en décembre 2017. Première tentative dans la science-fiction et pur navet réalisé par un débutant avec un casting de jeunot (Show Luo, Nana Ouyang…) prenant bien trop de place dans le récit. Le film a cumulé à peine 40M$ (pour un budget estimé à 65M$).

La qualité n’étant que rarement au rendez-vous ces dernières années avec une formule douteuse où Jackie Chan s’entoure essentiellement de jeunes comédiens dans le vent, a peut-être fini par lasser le public désireux certainement de voir un vrai spectacle de Jackie Chan et non pas un « marchepied » pour jeunes comédiens en devenir.

Mais alors trop de concurrence ? Jackie Chan, trop vieux pour assumer un film de divertissement et d’action à lui tout seul et/ou tout simplement mauvaise formule ?

Project X-Traction, film purement d’action réalisé par Scott Waugh, ex-cascadeur, spécialiste du genre et avec la star de la WWE John Cena au casting, devrait donner quelques réponses. Néanmoins, aucune date n’a été annoncé même si on peut imaginer une sortie en été 2020.

Quoiqu’il en soit, Jackie Chan devra en tirer des conclusions. A moins que libéré du joug du box-office, Jackie enchaine sur des films plus difficiles et exigeants. De son côté, Stanley Tong affirme qu’en tant qu’ami de longue date, « gagner ou perdre n’était plus un problème pour Jackie Chan ». Il poursuit : « Jackie Chan n’abandonne jamais ses acteurs et réalisateurs. De plus, il continue à soutenir les jeunes réalisateurs et la culture traditionnelle chinoise ».

S’il est évident que la position est plus que respectable, chez Jackie Chan France, on aimerait bien aussi le voir dans des films de grands réalisateurs. Mais encore faut-il que ces derniers souhaitent l’avoir dans leurs films. Ce n’est pas aussi facile qu’on ne le pense.

Cependant, et pour finir sur une note optimiste, avec du recul, la position de Jackie Chan reste beaucoup plus enviable que celle de Jet Li, Stallone, Scharwzy ou Bruce Willis… Triste mais vrai, il est dur de vieillir quand on a été une « action star ».

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