[PREVIEW] Qu’attendre de A LEGEND ?

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Le tournage avait commencé il y a plus d’un an à Ili dans le Xinjiang. Nous étions alors en plein doute. A Legend allait-il ressembler à la comédie d’aventure nanardesque Kung Fu Yoga ?

Il faut dire que le réalisateur Stanley Tong n’a pas fait un bon film depuis les grandes années de Jackie Chan. Comme l’attestent Police Story 3 : Supercop, First Strike et surtout Rumble in The Bronx, dans les 90’s, le réalisateur pouvait se reposer sur les exploits athlétiques de sa superstar. Mais depuis les années 2000, Jackie Chan a pris conscience que sa forme physique ne serait naturellement pas éternelle. Ce dernier entrepris alors de remodeler son image à travers des rôles plus sages que téméraires.

Ainsi, New Police Story et The Myth, sortis respectivement en 2004 et 2005 à Hong-Kong, ouvraient une nouvelle ère des films de Jackie Chan.

Suite au succès mondial de Tigre et Dragon, Stanley Tong s’entoure de deux scénaristes dont Wang Hui-Ling, l’un des scénaristes de l’œuvre d’Ang Lee, pour rendre Jackie Chan plus romanesque autour d’un récit qui alterne période chevaleresque dans le passé et période contemporaine où se mêle une histoire d’amour à travers l’espace et le temps.

Intitulé The Myth et doté d’un budget de 15M$, le résultat fut pour le moins mitigé en raison notamment d’une direction artistique bâclée et d’un manque cruel de scènes de combats mémorables. Tentant de reproduire l’originalité du final de First Strike qui voit Jackie affronter ses ennemis sous l’eau d’un aquarium marin, le final en apesanteur de The Myth est lui totalement raté. Restent seulement quelques audaces, notamment la bataille hautement chevaleresque qui voit Jackie affronter jusqu’à son dernier souffle une centaine de soldats ou encore l’affrontement typiquement chanienne sur un tapis roulant et collant. Autre point positif, la musique du film signée Nathan Wang et Gary Chase, parmi les meilleurs OST de la filmographie de Jackie Chan.

Au box-office de Hong-Kong, avec 17MHK$, The Myth ne marquera pas non plus les esprits. Il sera 11e au classement global dominé par les productions hollywoodiennes depuis la rétrocession de Hong-Kong à la Chine. Il terminera cependant sur le podium des productions HK de l’année 2005 derrière Initial D et Wait’til You’re Older.

C’est en Chine continentale que le succès de The Myth surprendra le plus. À une époque où le marché du cinéma était quasi inexistant (la Chine a commencé à construire massivement des salles de cinéma en 2012), la production HK réussira à côtoyer les sommets du box-office chinois dominé par le réalisateur maison Chen Kaige et sa superproduction de 40M$, The Promise.

Avec le temps, The Myth a acquis une certaine aura en Chine continentale, notamment grâce à la reprise en mandarin de la chanson initialement interprétée par Jackie Chan et l’actrice sud-coréenne Kim Hee-Sun « Endless Love » par deux géants de la mandopop : Sun Nan et Han Hong. Cinq ans plus tard, The Myth deviendra une série télévisée très populaire en Chine avec le comédien Hu Ge (Le Lac aux Oies sauvages) alors peu connu du grand public et qui fera de lui une superstar.

Rien d’étonnant donc que Stanley Tong cherche à réitérer l’essai afin de pénétrer le marché du cinéma chinois devenu gigantesque. Il écrit et réalise alors Kung Fu Yoga à l’occasion d’un accord d’échange culturel entre l’Inde et la Chine. La comédie d’action et d’aventure, qui s’inscrit maladroitement dans l’univers du film de 2005, réussit à atteindre les 255M$ durant le nouvel an chinois 2017 et ce, malgré un bouche-à-oreille négatif. Et pour cause. Préférant s’inspirer de la saga Fast & Furious, Stanley Tong ne gardera de The Myth qu’une vague et courte apparition du portrait de la princesse Ok Soo (Kim Hee-Sun) et l’intrigue secondaire en Inde du premier film.

Oublier l’histoire romanesque à travers le temps et l’espace. Oublier les scènes de bataille épiques. Kung Fu Yoga ressemble à une farce, même pas drôle, uniquement portée par une vision cynique et mercantile de son réalisateur et scénariste, plus préoccupé à séduire les foules d’adolescents qu’à faire son travail de cinéaste, dont le dernier film Vanguard en est la plus parfaite émanation.

Alors forcément, les fans de Jackie Chan que nous sommes (y compris en Chine) ont été très dubitatifs à l’annonce de son nouveau film A Legend.

 

Avec celui-ci, Stanley Tong semble avoir renoué avec la formule qui a fait la renommée du premier film sorti en 2005, soit un récit d’aventure qui parcours l’espace-temps en mêlant le présent à un passé épique et chevaleresque. Mais soyons clairs, si succès au box-office chinois il y a, cela sera dû à la présence de Zhang Yixing, mégastar de la c-pop, qui a débuté comme membre du groupe EXO et qui a par la suite connu une carrière en solo phénoménale. Connu sous le nom de Zhang Lay, il est le premier artiste solo chinois à atteindre le Top 25 du Billboard 200 et le premier artiste solo chinois à atteindre le Top 5 du classement mondial des albums sur iTunes. Les adolescentes se l’arrachent !

Mais s’il joue allégrement avec une apparence androgyne sur scène. Il faut bien admettre qu’au cinéma, il s’en sort plutôt bien. Déjà, il faut avouer qu’il a su éviter d’être le jeunot énervant que l’on redoutait dans Kung Fu Yoga. Et en 2023, dans le thriller No More Bets, il a impressionné dans la peau d’un programmeur séquestré par son employeur et contraint de commettre des cyberfraudes en ligne. Zhang Yixing apparait étonnamment sobre et crédible dans un rôle plutôt exténuant.

C’est aussi ce que l’on ressent à travers les différents trailers de A Legend. Zhang Yixing semble si loin de l’image qu’il se donne sur scène. Sous un casque de l’armée de la dynastie Han, son visage tuméfié et brûlé par le froid glacial des plaines enneigées du Xinjiang lui donne une certaine crédibilité.

Mais Jackie Chan dans tout ça ?

Ce que l’on attend de Jackie Chan, c’est qu’il soit LA star du film et pas le marche-pied cinématographique d’une nouvelle génération pop sans âme. Et oh surprise ! Les premiers avis des fans affirment que Jackie Chan est bel et bien la vedette du film. La star de 70 ans (et sa version IA) aurait également le plus de scènes d’action dans le film. A Legend serait, au final, le film de Jackie Chan ayant le plus de scènes d’action sur les six dernières années. Rien que ça !

L’un des points positifs que l’on peut accorder à Stanley Tong sur son nouveau film, c’est la volonté authentique de filmer les grandes batailles dans les sublimes plaines du Xinjiang. Douze mille chevaux et figurants ont été nécessaires. Une prouesse qui se fait rare depuis l’utilisation abusive des VFX. Stanley Tong a expliqué qu’il souhaitait reproduire ces grandes scènes épiques du cinéma qu’il juge naturellement bien plus crédibles et belles (NDR : on pense aux films d’Akira Kurosawa) aux batailles numérisées du cinéma moderne. Exit donc les tournages en studio et les figurants et chevaux de synthèse, Stanley Tong profite des vastes décors naturels du Xinjiang pour y installer ses scènes épiques.

Cependant, on doute plus volontiers du savoir-faire du réalisateur sur la partie scénario qu’il signe visiblement seul, contrairement à The Myth.

Avec l’appui de la major Bona Film et son mélange d’actions traditionnelles et de technologie moderne, il n’est pas difficile d’imaginer qu’A Legend pourrait être bien supérieur aux précédents films de Stanley Tong. À défaut d’espérer un excellent film, un bon Stanley Tong sera déjà satisfaisant. Surtout que les différents trailers montrés jusqu’à présent ont pris soin de ne pas trop en dévoiler. En cela, A Legend pourrait tout à fait être une très bonne superproduction estivale, surprenante, légère et divertissante.

Ce 12 juillet, la 7ème (véritable) collaboration entre Jackie Chan et Stanley Tong aura comme principal concurrent le film d’animation américain Moi, Moche et Méchant 4, qui devrait naturellement rafler la mise sur le week-end. Si on imagine mal A Legend prétendre en fin de carrière en salles, à la barre symbolique du milliard de yuans (150M$), celle des 100M$ démontrera que le public chinois a renoué avec la légende vivante. Mais pour ça, il lui faudra un bon (voire très bon) bouche à oreille afin de faire oublier ses échecs critiques et publics de ses six dernières années.

Sans compter que la première vague d’entrées composée essentiellement des fans de Zhang Yixing pourrait se sentir dupée par la promotion qui, jusqu’à présent, s’est quasi focalisée sur lui.

 

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