La conférence de presse au Far East Film Festival

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Voici la traduction en français de la conférence de presse qu’à tenu Jackie Chan lors de l’avant première international de Dragon Blade au Far East Film Festival à Udine en Italie. Il évoque notamment sa vision du cinéma d’action actuel et le souhait de devenir le Robert De Niro asiatique.

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Vous avez une carrière exceptionnelle en tant qu’acteur. Vous avez commencé comme cascadeur, chorégraphe de scènes de combat. Cependant, récemment vos films sont devenus beaucoup plus philosophiques. Il y a un aspect éducatif qui met en évidence une Chine pacifique. Pouvez-vous nous en parler ?

Avant, je voulais juste faire de l’argent… Mais plus tard, en 2000, j’ai changé. J’ai changé mes personnages parce que je ne suis plus jeune et aussi parce que je ne veux pas faire toujours Rush Hour, Rush Hour 2 et Rush Hour 3… je suis fatigué de ces rôles. Je veux changer. Je veux être un véritable acteur. Je veux être qu’on me considère comme le Robert De Niro asiatique ! Même ce matin, je marchais dans la petite ville [de Udine] et on pouvait voir des enfants s’exclamer : « Oh Jackie Chan ! » en faisant des gestes de kung-fu. Pourquoi personne ne me voit comme on voit Robert De Niro ? J’aimerai que dans dix ans, les gens disent : « Oh ! Jackie Chan, il est un bon acteur ! » Je veux être un véritable acteur parce que pour une star de film d’action, la vie artistique est très, très courte. C’est la raison pour laquelle,  pendant les 15 dernières années, j’ai essayé de changer de registre. Je veux que mon public sache que je suis l’acteur qui peut combattre et non un combattant qui peut jouer. Aussi, pourquoi je continue toujours de faire des films en Chine ? Eh bien, parce que c’est la seule chose que je sais faire ! Je fais du mieux que je peux pour promouvoir mon pays et ma culture. Voilà ce que je fais !

Vous avez travaillé sur Dragon Blade pendant sept ans. Pouvez-vous nous parler de la genèse du projet et de son processus de réalisation ?

J’avais entendu parler du réalisateur Daniel Lee, bien que je ne l’avais jamais rencontré auparavant. Mon caméraman a pensé que je devrais le rencontrer et parce que je fais confiance à mon caméraman, j’ai appelé Daniel et – parce que à Hong Kong tout le monde m’appelle « Big Brother » –  je lui ai dit : «Daniel, je suis « Big Brother » et il a dit « Haaa … le Jackie Chan ? » J’ai dit : « oui ! » et il m’a répondu : « Que puis-je faire pour vous ? » et j’ai dit : « Je veux vous rencontrer, je veux vous connaître ». J’ai demandé: « Où es-tu ? » et j’ai roulé jusqu’à ses bureaux et nous avons parlé afin de trouver quelque chose de spécial. Un mois plus tard, il m’a appelé pour faire un film policier. Mais je lui ai dit que j’avais entendu parler de cette histoire, celle de Dragon Blade. Donc, nous avons fait beaucoup de recherches et avons décidé de le faire.

Et, pour la réalisation du film. Nous avions besoin de Romains et parce que nous n’avons pas assez de Caucasiens en Chine, nous avons fait toutes les universités chinoises pour embaucher les étudiants étrangers. Le tournage a été difficile. Les heures étaient longues et nous avons dû marcher longtemps dans le désert de Gobi, parce que nous ne pouvions pas conduire à cause des traces de pneus en raison de toutes les prises de vues aériennes. Nous avons également invité la presse dans le désert pour jeter un œil à la façon dont nous faisions le film. Je demandai au réalisateur : « Pourquoi on n’utiliserait pas l’écran vert aujourd’hui ? Nous utilisons plus d’une centaine d’autobus tous les jours ! » et il a dit, « Non ! Je veux de véritables sensations, le sentiment du peuple ! » Puis, je me suis rendu compte que seulement deux réalisateurs avaient fait leurs films dans le désert de Gobi ! Le premier est Daniel Lee pour Dragon Blade et le second est également Daniel Lee ! Personne d’autre ! Il aime juste le désert ! Quand il y a eu la tempête de sable, tout le monde se cachait, lui il était juste assis dans le fauteuil de réalisateur avec de la musique dans les oreilles…. Lalalaaaa [Chan chante] Il était tellement heureux ! Il aimait tellement ça !

En tant que directeur de la chorégraphie sur le film, pouvez-vous parler de la façon dont vous avez conçu et exécuté les scènes de combat ?

Eh bien, avant le début du tournage, j’ai demandé au réalisateur quel style de combat il voyait pour le film. Il voulait que tout soit réel. Les combats romains sont très dur, très forts et il n’y a pas de fioritures. Mais en Chine, il y a beaucoup d’envole. C’est un autre type de combat. Aussi, nous ne voulions pas utiliser les effets spéciaux et voler de partout comme dans Tigre et Dragon. Je ne pense pas que le public aime ce genre de choses. Mais, en ce moment, il y a trop de films, des films modernes, des films d’époque où tout le monde s’envole… c’est ridicule ! Donc, je lui ai dit que nous devions faire un film réaliste. Personne ne peut sauter et voler d’un cheval à l’autre ! Personne ne peut sauter et voler d’un toit à l’autre ! Alors, quand vous voyez Dragon Blade, tout ce que vous voyez est réel ! Nous voulions juste quelque chose d’humainement possible. Quelque chose que tout le monde serait susceptible de faire, mais en fait pas tout le monde peut le faire ; seulement des cascadeurs ou moi ou certaines personnes qui se sont entraînés peuvent le faire ! Là, vous croyez aux combats !

En ce sens, dans ce monde numérique où la technologie règne, pensez-vous qu’il y a encore un avenir pour les scènes d’actions dites « réelles », pour les cascades comme les vôtres et la pureté des arts martiaux ?

Je pense que, lentement, lentement, l’action réelle est entrain de disparaitre. Nous avons encore quelques personnes qui font de véritables cascades, de l’action réelle comme moi, comme Samo Hung et d’autres. Mais, quand ces gens seront partis, quand nous nous retirons, je pense que ça va être difficile parce que l’action réelle est vraiment, vraiment difficile ! Mais aux Etats-Unis, ils sont si bons ! Ils sont tellement malins ! Ils peuvent utiliser les effets spéciaux et l’infographie pour transformer un simple acteur en une star de film d’action. Même quand vous avez le niveau de faire de vrai scènes d’actions. Je faisais  ce genre de choses quand j’étais jeune. Nous n’avions pas d’argent et nous devions faire de véritables cascades. Nous devions sauter d’un immeuble à un autre … je me suis cassé les pieds, je me suis cassé les doigts, je me suis tout cassé. Quand j’ai commencé à avoir du succès, j’avais les moyens d’utiliser des effets spéciaux, mais le public n’aimait pas ! Ils voulaient voir Jackie Chan se blesser ! Ils voulaient voir Jackie Chan faire des choses réelles. Ils ne veulent pas voir Jackie faire Superman. Spiderman, c’est si facile, non ? Je veux le faire ! Les réalisateurs, embauchez moi ! Mais, aucun réalisateur ne veut m’engager pour faire ce genre de chose. Ils veulent que je fasse Rush Hour, Rush Hour 2 et Rush Hour 3. Ils veulent toujours que je fasse ce genre de choses, mais je pense que après Samo Hung et moi…  les jeunes générations vont lentement changer parce qu’ils ont déjà appris à utiliser les effets spéciaux. Pauvre de moi ! Je vais continuer à le faire pendant encore cinq ans,  je pense, et puis après cinq ans, adios ! Ensuite, je ferais des films d’amour ! (rire)

Comment vous sentez-vous à propos de l’américanisation de la culture chinoise ? Pour combien de temps pensez-vous qu’il serait possible pour la Chine de préserver sa culture antique unique ?

Il y a longtemps, j’ai essayé d’importer la culture chinoise en Amérique, mais ça n’a pas été un succès. Je veux dire, à cette époque il y avait Cannonball Run, Le Retour du Chinois. Et j’ai utilisé l’action et la culture chinoise, mais ça n’a pas fonctionné. Je pense que c’était le mauvais moment mais maintenant, plus de trente ans plus tard, je suis retourné aux USA parce qu’ils m’ont invité. Donc, quand je vais en Amérique, je fais toujours le même type d’action, le même genre de comédie et c’est le bon moment. Mais, je pense que l’Amérique est un pays libre ; ils aiment tout, mais si vous apportez quelques choses, il faut l’apporter au bon moment. Voilà tout. Et, à l’heure actuelle, la Chine est probablement – je ne le sais pas encore – le plus grand marché dans le monde. Je pense qu’il est temps d’importer non seulement la culture américaine à la Chine, mais toute l’Asie entière. Tout en Chine devrait être une collaboration cinématographique avec la Corée, le Japon, Taiwan, la Malaisie. Le cinéma est une langue internationale et nous devons combiner le tout ensemble.

Comment vous sentez-vous sur le fait que Wu Xia Pian (film de sabre chinois) et les arts martiaux dont tu as posé les bases, sont devenus la forme prédominante dans le cinéma d’action à travers le monde ?

Bien sûr, j’en suis très heureux ! Parce que, nous parlons là d’un sujet qui date de très très longtemps. Nous parlons à propos de Jimmy Wang Yu, Bruce Lee et tant d’autres qui ont suivi leurs traces et ont continué à promouvoir notre culture à travers le monde et je crois qu’après moi, il y  aura encore quelques personnes qui vont continuer sur mes traces. Et, tout comme il y a des réalisateurs américains et autres acteurs qui promeuvent la culture américaine dans le monde, c’est la même chose ; nous reconnaissons notre culture, nous l’apprenons et nous essayons de transmettre quelque chose. Si tout le monde pouvait connaître la culture de chacun de nous dans le monde, il n’y aurait pas de guerres et plus de malentendus. Je pense que la culture, le cinéma et la musique sont très importants.

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Mon impression, et vous l’avez confirmé, est que Hollywood produit moins de films impliquant des artistes martiaux réel que dans le passé. Quelles sont, à votre avis, les choses qui ont changé dans le monde des films d’action ?

Parce que les films d’arts martiaux sont difficiles à tourner, ce n’est pas facile, vous savez. Vous devez avoir un acteur qui sait vraiment se battre et puis il doit faire « Papapapapammm » [Chan montre un mouvement] et utiliser une épée. Mais, honnêtement, à Hollywood, pas beaucoup d’acteurs connaissent les arts martiaux ! Peut-être qu’ils connaissent l’action comme Tom Cruise, Sylvester Stallone – ils aiment la boxe, qui est un genre différent. Donc, s’ils utilisent un effet spécial, comme dans Batman ou Superman, et bien, ils peuvent utiliser un effet spécial pour faire toutes sortes de choses.

Parfois, l’action de certains films américains est encore mieux que les miens ! Comme dans « 300, » je me suis dit « Wow ! Voilà si bon ! » Donc, ils dépensent beaucoup d’argent pour créer ce genre de scènes actions et je pense qu’elles sont dix fois meilleure que les miennes, mais ils ne font pas vraiment de l’action. Liam Neeson, par exemple, n’est pas une star de films d’actions, mais ils peuvent faire des plans serrés et le transformer en une star de films d’actions. Aujourd’hui, il y a la star qui fait des films d’actions et la star de films d’actions. C’est différent. Maintenant, Liam Neeson est une star qui fait des films d’actions. D’abord, il peut jouer et son action est facile. Il y a les films d’actions difficiles à exécuter et les films d’action facile à exécuter comme Matt Damon et la trilogie Bourne.  Ils secouent une caméra et « Papapapapammm » [Chan montre un mouvement] et, il est si bon! Et, même moi quand je le vois, je me dis : « Wow ! Matt Damon combat super bien ». Mon genre d’action est l’action difficile. Mais, le public ne le sait pas. Ils veulent juste voir si c’est bon ou mauvais, voilà tout !

Dans Shanghai Kid, par exemple, les deux tomahawks étaient de vrais tomahawks ! Eeeeyyyuuuuu! [Chan fait le mouvement de jeter un tomahawk dans l’air] Quand je l’utilise des explosions, je veux une véritable explosion derrière moi. Parfois, quand je fais un film à Hollywood, ils disent « Jackie ! Action ! Joue la peur ! » Et il n’y a rien derrière moi ! On fait juste semblant d’avoir peur… Quand vous voyez les films asiatiques que je fais, j’ai vraiment peur ! Vous pouvez le voir sur mon visage ! Peut-être que j’aime trop l’excitation ! Je suis stupide, voilà tout. Mais, parfois, j’aime être stupide et le public aussi, ils aiment voir le Jackie stupide !

Aujourd’hui, la réussite d’un film est mesurée par ses résultats au box-office. Pourtant, il y a quelques films qui ont eu un mauvais résultat au box-office, mais qui ont tout de même grandement influencé la culture populaire au cinéma. Comment mesurez-vous le succès d’un film ?

Pour moi, quand j’étais jeune, il y a longtemps, très longtemps, le résultat au box-office était très important parce que s’il n’y avait pas de bon résultat au box-office, personne ne m’embaucherait par la suite. Et, faire de l’argent était la priorité avant la qualité parce que je devais nourrir ma famille. Et, lentement, quand mes films ont eu du succès, alors j’ai pensé qu’en tant qu’acteur, producteur, réalisateur, nous avions une responsabilité envers la société, envers le monde. Par exemple, quand j’ai fait Drunken Master (Le Maître Chinois), dans le film je passe mon temps à boire, me battre, boire – et plus tard, j’ai réalisé qu’il envoyait un mauvais message ! Donc, j’ai fait Drunken Master II et le message a été de ne pas boire et d’éviter de se battre.

J’ai dû changer certaines choses et maintenant, quand je fais un film, je ne cherche plus à être premier au box-office. Je veux juste faire le film que j’ai envie de faire. Je veux parler de certaines choses dans les films. Je veux que chaque film possède un message, tout comme Dragon Blade. Bien sûr, si le box-office est bon, j’en suis ravi mais si le box-office n’est pas bon, ce n’est pas grave du moment que j’ai pu apporter un message. Aujourd’hui, je n’ai plus besoin d’argent. J’en ai suffisamment. Je veux juste faire quelque chose de bien. A ma mort, lorsque dans une centaine d’années, je veux que vos petits-enfants et mes petits-enfants puissent dire: «Voilà un grand film ! Il est très bon ! ». Ils peuvent oublier le premier Drunken Master et parler de Dragon Blade. Cela me rendrait heureux. Certains films ont fait beaucoup d’argent et les gens, rapidement, ils l’oublient … mais certains films ne rapportent rien, mais les gens, 20 ou 50 ans plus tard en parlent encore. Voilà ce que je veux !

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Vous avez dit que vous aimez l’action, mais que vous détestez la violence. Il y a une sorte de conflit d’intérêts, vous ne trouvez pas ? Comment vous gérez cela ?

C’est un très grand dilemme en effet! Les gens pensent toujours que l’action c’est violent. C’est un dilemme ! Oui tu as raison ! Je fais tout simplement le meilleur que je peux pour montrer au monde entier que la violence est une mauvaise décision.

Quels sont vos prochains projets ? Il y a beaucoup de rumeurs sur une suite à Karate Kid. Pouvez-vous nous en parler ?

J’ai déjà planifié les huit prochaines années de ma vie, ou presque. Le mois prochain, nous espérons commencer le film Railroad Tiger… puis avec le réalisateur Stanley Tong, je vais faire Kung-Fu Yoga en Inde et après ça… (il se tourne vers son assistante) Civilian, le réalisateur sera probablement Peter Segal, puis un film sur le Shanghai dans les années 30 avec le réalisateur Daniel Lee, puis Chinese Zodiac 2 que je réaliserai moi-même.

Il y a tellement de choses à faire ! Je pense que j’aime tout simplement le défi ! Chaque film est différent ! Je veux que le public voit chaque année un Jackie Chan différent. Skiptrace sort à Noël prochain. C’est une comédie d’action avec Johnny Knoxville. Et, pour Karate Kid 2, nous en sommes à la quatrième version du scénario. Will Smith prend le film très sérieusement. Il m’appelle souvent pour me dire : « Jackie, le scénario est bientôt prêt ». Je lui réponds : « Dépêche-toi ! Ton fils sera bientôt plus grand que moi ».  D’ici là, on fera probablement Shanghai Kid 3, Rush Hour 4…  je plaisante, n’écrivez pas ça (rire).

Basé sur la retranscription en anglais du site Indiewire.

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