Il n’a pas fallu grand-chose à la communauté cinéphile du monde entier pour être en émoi. En effet, l’annonce en octobre 2012 d’un nouveau Police Story a enflammé les espoirs des fans restés sur leur faim avec Chinese Zodiac, la suite des films cultes Operation Condor et Mister Dynamite.
Pourtant, le fait que le réalisateur Ding Sheng soit à la barre laissait présager un film totalement différent comme ils n’ont pas arrêté de le marteler durant la promotion et le moins que l’on puisse dire sur Police Story Lockdown c’est qu’il n’a absolument rien à voir, dans le fond comme dans la forme. Et c’est très bien comme ça !
C’est un fait. A 60 ans passé, Jackie Chan n’est plus en mesure d’assurer, avec sa propre personne, des scènes d’actions et cascades tonitruantes. Comme le prouvent ses derniers films (Chinese Zodiac par exemple), la mise en scène et le découpage jouent de malice pour pallier à cette fatalité de la vie qu’est la vieillesse. Finalement, ses films deviennent plus cinématographiques que « captations d’exploits physiques ». Et surtout Jackie Chan vieillit et ses fans de la première heure grandissent et maturité faisant, nous sommes à même de comprendre et d’apprécier la démarche.
Voilà en somme pourquoi il est tellement logique de voir Chan dans des films comme The Shinjuku Incident, Little Big Soldier, Police Story Lockdown et bientôt dans The Foreigner de Martin Campbell. Ce dernier est donc un drame teinté d’action centré sur une prise d’otage dans un bar branché de Pékin le Wu Bar où l’inspecteur Zhong Wen (Jackie Chan) et sa fille (Jing Tian) se trouvent pris au piège. Demandant la libération d’un prisonnier, le ravisseur (Liu Ye) est bien décidé à faire éclater la vérité.
C’est sur ce constat que toute la mise en scène et la structure du scénario de Ding Sheng est centré. Avec Little Big Soldier, on savait le réalisateur très doué pour l’image et le sens du cadre. Ding Sheng est un cinéaste audacieux qui cherche avant tout à imposer un style. Son style.
Durant une projection privée, Jackie Chan avait affirmé que « tout dans ce film était nouveau pour lui ». C’est indéniable et c’est finalement ce que l’on attend. A défaut d’avoir une prise de risque dans les cascades, le cinéma de Jackie Chan prend des risques artistiques et se diversifie dans la forme comme dans le fond.
Lockdown est un film puzzle où le spectateur suit les otages essayant de comprendre pourquoi ils en sont arrivés là. Des pièces d’un puzzle à reconstruire. La structure du scénario évolue ainsi avec des flashbacks. Contrairement à ce qui a été dit sur leurs inutilités, les flashbacks servent justement à appuyer les intentions de l’inspecteur Zhong Wen (Jackie Chan donc) déterminé à faire honneur à sa fonction de policier, délaissant malheureusement sa famille au passage. Le revers de la médaille en quelque sorte. Le ravisseur, avec un certain sadisme, aime à le démontrer ; car l’inspecteur Zhong Wen est humain avant d’être un « supercop » et le montage intègre souvent les doutes, les choix de son personnage, si bien que le film de Ding Sheng fait écho à la vie personnelle de Jackie Chan. Police Story Lockdown finit par résonner comme un mea culpa de la part de la superstar qui a sacrifié sa vie intime au profit du cinéma.
Il y a une audace formelle indéniable (toutes sortes de caméras semblent avoir été utilisées). Alors forcément à toute prise de risque, à toute audace, des défauts pointent. Le montage ultra cut est parfois difficile à suivre. Ça va très vite. Trop vite même, si bien qu’au bout d’une heure, l’usure pointe et on se dit qu’on aurait aimé justement se poser sur les cadres et les acteurs. Le charisme de Jackie Chan fait d’ailleurs des merveilles. Il est impeccable et fait passer sa prestation dans New Police Story de Benny Chan pour une maladresse tant celle-ci passe désormais comme beaucoup trop appuyée comparée à celle toute en retenue de Police Story Lockdown.
Malgré les coups et le visage tuméfié de Jackie Chan, il y a de la sensibilité. Et c’est justement dans ces moments contrastés que le film fait des merveilles, à l’image de ce combat brutal dans cette cage type MMA. C’est le pivot central du film. Jackie Chan vieillissant lutte, encaisse et se redresse difficilement sous les yeux des otages impuissants représentant toutes les catégories sociales de cette nouvelle Chine en pleine croissance. C’est une question d’honneur pour retrouver une véritable valeur aux yeux de sa fille, lui qui en a tant perdu à ses yeux. Ce n’est pas votre catégorie sociale qui fait de vous un homme. A partir de là, le film prend son envol jusqu’au très beau final. Flingue sur la tempe, les yeux humides… et le chagrin dans l’âme. Police Story Lockdown, c’est tout simplement une très belle histoire de rédemption sur fond d’intrique policière qui n’a pour grand défaut que son titre.
P.S : la chanson de fin et le très beau thème musical acoustique sont des reprises de la chanson « Salvation » (qui veut dire rédemption) du chanteur chinois Sun Nan.
Police Story Lockdown (Police Story 2013) est disponible en blu-ray/dvd chez l’éditeur AB Vidéo le 1er février 2017
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Les opinions exprimées dans cette critique ne concerne que son auteur et n’est en rien représentatif de l’ensemble des membres de Jackie Chan France.
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