Le cinéma de Hong-Kong regorge d’incroyables et puissants cinéastes. Jackie Chan et Wong Jing sont certainement les deux cadors de l’industrie du cinéma de Hong-Kong. Le premier est mondialement connu pour ses films d’actions culte et le second pour être le plus prolifique de l’histoire de l’industrie du cinéma HK.
Si on connait tous la filmographie de Jackie. Pour les retardataires, Wong Jing c’est à ce jour, 89 films en tant qu’acteur et apparition, 120 films en tant que réalisateur, 188 films en tant que producteur et 240 films en tant que scénariste !
Le revers de la médaille, c’est qu’à force de tourner des mauvais films, il a vite gagné le surnom à Hong-Kong du « roi des mauvais films ».
En tant que réalisateur, sa méthode était simple : faible coût et écriture du scénario improvisé sur le plateau du tournage. Soit une méthode totalement opposée à celle de Jackie Chan, qui notamment avec sa réalisation Big Brother en 1989 a voulu relever la qualité technique et artistique des films de Hong-Kong en raison du nombre grandissant de films salement produits à la fin des années 80. Un systématisme qui a par ailleurs engendré une crise des investissements cinématographiques au tout début des années 90.
C’est durant le Nouvel An chinois 1993 que sort à Hong-Kong, Niki Larson, le film qui signe la rencontre entre Jackie Chan et Wong Jing. Ce dernier venait d’être auréolé de plusieurs succès avec les géniales comédies God of Gambler 1 et 2. Les rares véritables réussites des années 80 et 90 de Wong Jing.
Comme chacun sait, Jackie Chan venait d’être « interdit » de mise en scène par sa maison de production la Golden Harvest, pour avoir causé un dépassement de budget gigantesque sur Opération Condor. Son mentor, le producteur Leonard Ho, lui conseilla alors de tourner pour d’autres réalisateur et de s’essayer à d’autres registres par la même occasion. C’est ainsi qu’il croisera la route de Tsui Hark et Ringo pour Twin Dragons, celle de Kirk Wong pour Crime Story et qu’il cédera du terrain pour Michelle Yeoh pour Police Story 3 Supercop de Stanley Tong avec qui il créera une véritable complicité par la suite. Il faudra attendre 21 ans pour que Jackie Chan retourne officiellement au poste de réalisateur avec Chinese Zodiac en 2012.
En 1992, Jackie Chan tourne Niki Larson simultanément avec Crime Story dont le tournage avait lui aussi chevauché celui de Police Story 3 : Supercop.
Nous savons tous qu’une brouille a eu lieu sur le tournage entre Wong Jing et Jackie Chan. C’est d’ailleurs Wong Jing qui a lancé la rumeur d’un Jackie Chan quasi dictatorial sur un tournage ce qu’aucun autre réalisateur, y compris Kirk Wong, ne dira de lui, si ce n’est que c’est un comédien impliqué et bourreau de travail.
Mais peu connaisse la raison principale de la brouille entre Wong Jing et Jackie. En réalité, cette mésentente est liée au choix d’une des comédiennes du film.
EXPLICATION
Lorsque Jackie accepte le rôle de Niki sous l’impulsion de la Golden Harvest, cette dernière demande également à Jackie de lui proposer une comédienne pour le rôle de Sonia.
A cette époque, Jackie Chan avait fait éclore les meilleures actrices du cinéma de Hong-Kong comme Maggie Cheung, Brigitte Lin Ching Hsia, Rosamund Kwan et Anita Mui.
Jackie Chan a alors jeté son dévolu sur Joey Wong.
Joey Wong s’était déjà fait un nom dans le cercle du cinéma de Hong-Kong notamment à travers le succès de la trilogie des Histoire de Fantômes Chinois. De plus, elle était également une comédienne en contrat avec la Golden Harvest et avait déjà tourné plusieurs fois sous la direction de Wong Jing.
Cette proposition déplu à Wong Jing qui trouvait les jambes de la comédienne assez laides. Qu’importe, avec l’appui de la Golden Harvest, Jackie insista en la faveur de Joey Wong.
Dans un accès de colère, Wong Jing réécrit le scénario pour y inclure la miss Hong-Kong 1987, Chingmy Yau connu également pour être sa maîtresse de l’époque.
Il écrira le rôle de Anna pour Chingmy Yau dans l’espoir d’arracher la vedette à Joey Wong allant jusqu’à écrire une scène où cette dernière gifle Jackie Chan au visage, comme pour punir Jackie et afin de prouver que son goût pour choisir de belles femmes est supérieur à la sienne.
Par la suite, plus le tournage avançait plus les réécritures incessantes du scénario, agaçait Jackie. Lors des derniers jours du tournage, les journalistes présents témoigneront de l’absence de Wong Jing sur le plateau. Jackie s’occupa seul du final du film où il fait face à Richard Norton.
Par là suite, Wong Jing n’a plus jamais engagé Joey Wong. L’actrice apparaitra la même année que la sortie de Niki Larson dans six autres films dont Swordman III : East is Red et Green Snake. Elle fera une pause après avoir été obligé de quitter le tournage des Cendres du Temps pour des raisons d’emploi du temps. Wong Kar Wai la remplacera par la toute jeune Charlie Yeung. Joey Wong reprendra son métier d’actrice avec deux films « art et essai » en 2001 et 2004 avec Peony Pavillon et Shanghai Story avant d’arrêter totalement sa carrière.
Il en sera de même pour Chingmy Yau. La star du célèbre Cat-III, Naked Killer (1990) arrêtera sa carrière en 1998.
Après Niki Larson, Wong Jing s’enfoncera dans l’aigreur en produisant plusieurs Jet Li jusqu’à commettre en 1995 un film d’action pathétique intitulé High Risk, sorte de Tour Montparnasse Infernal avant l’heure, où Jet Li interprète le garde du corps d’une star de film d’action lâche et peureuse pris en otage par un groupe terroriste dirigé par « The Doctor ». Véritable crachat à la gueule de Jackie, le rôle de « la star de film d’action lâche et peureuse » est interprété par Jacky Cheung, grimé pour l’occasion en Jackie et en Bruce Lee dans le Jeu de la Mort. Echec au box-office HK à l’arrivé.
Sagesse aidant, il faudra attendre 2014 avec le succès de From Vegas to Macau pour que Wong Jing retrouve un sursaut dans sa carrière à travers des productions plus consciencieuses conçu comme de véritables hommages à l’âge d’or du cinéma de Hong-Kong comme Chasing the Dragon I et II, ou Once Upon a Time in Hong-Kong avec Louis Koo, Tony Leung Ka Fai et Francis Ng.
Niki Larson est une adaptation très libre du manga de Tsukasa Hōjō qui jouissait à l’époque d’un véritable succès à Hong-Kong. Ecrit par Wong Jing, celui-ci a truffé le scénario de clin d’œil à d’autres films notamment au Jeu de la Mort de et avec Bruce Lee, 58 Minutes pour Vivre (la scène d’entrainement ridicule de Gary Daniel dans sa chambre fait référence à celle de Willam Badler dans le film Renny Harlin), Robocop (le flingue « Auto 9 » du Colonel McDonald est celui du justicier d’acier) ou encore à son propre film God of Gambler. Evidemment, on ne manquera pas de citer la scène culte faisant référence au jeu vidéo Street Fighter 2, véritable pépite hilarante qui vaut à elle seule le visionnage du film.
Finalement, même si totalement éloigné de l’esprit du manga et malgré les outrances puériles de Wong Jing, Niki Larson s’impose comme une comédie grasse savoureuse typiquement Hong-Kongaise qui jouit 30 ans après d’un statut culte toujours intact.
2 Comments
dragonheart
J’ignorais cette anecdote concernant Joey Wong.
Les deux actrices sont très jolies, mais gros faible pour Chingmy Yau, diablement sexy ^^
Wong Jing est capable d’être un bon réal quand il s’en donne la peine. C’est juste qu’il assume son côté businessman vulgaire, vénal et désinvolte.
Niki Larson est assez fun et fou, même si les gags sont parfois pesants. En tout cas un changement bienvenu pour Jackie avec un humour grivois qui tranche avec sa recette habituelle un peu sage.
Tirry
Tout à fait d’accord. D’ailleurs quand j’ai vraiment envie de me marrer avec un Jackie Chan, c’est Niki Larson, Twin Dragons et Operation Condor.