Près de 20 ans plus tard, que vaut THE MYTH ?

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À l’occasion de la sortie de A Legend, on s’est demandé si on pouvait réhabiliter The Myth. Un « Jackie Chan » cuvée 2005 qui avait fait mauvaise impression à une époque où, Jackie, lassé des productions américaines, est retourné à Hong-Kong pour un retour aux sources salutaire avec New Police Story. Étrangement, en Chine, la quatrième collaboration entre Stanley Tong et Jackie Chan jouit d’une réputation très flatteuse auprès de la génération Y, pourtant habituée à des grosses productions locales comme Hero de Zhang Yimou dont le budget est le double de celui de The Myth.

À l’heure où Jackie Chan peine à trouver des productions à la hauteur de son talent (seuls Ride On, The Foreigner et Hidden Strike valent le coup), on s’est demandé si The Myth pouvait bénéficier d’un regain d’intérêt à l’aune des derniers films de Stanley Tong que sont la pantalonnade Kung Fu Yoga et le navet Vanguard.

L’archéologue Jack fait sans cesse des rêves récurrents d’une vie passée, où il est le grand général Meng Yi, qui a juré de protéger une princesse nommée Ok-Soo. Jack décide d’aller enquêter sur tout cela avec son ami William, un scientifique.

C’est avec neutralité et curiosité que la révision de The Myth a donc été opérée. Et la première chose qui frappe, c’est son côté boiteux techniquement parlant. Dès les premières images, on a l’impression qu’on a à faire à ses westerns italiens mal fagotés mais sympathiques des années 70.

L’intro dont l’action se déroule dans le passé est bien plus convaincante que l’entièreté des derniers Stanley Tong. La musique qui la soutient joue parfaitement sa partition avec son thème héroïque. Les chorégraphies à l’épée sont sympathiques et l’exécution nerveuse. Gros bémol, la direction d’acteur, notamment celle de l’actrice sud-coréenne Kim Hee-Sun qui interprète la princesse en détresse, qui visiblement ne semble pas mesurer le danger de la situation qu’elle est censée subir.

Pour autant, techniquement parlant, l’intro comme le film semble hasardeux, notamment la photographie du pourtant expérimenté Wong Wing-Hang qui livre un scope par moments dégueu et des images parfois floues. Même si on est sur un budget de 15M$, le résultat signe la précipitation typique des films HK qui sied mal à ce type de production dont l’ambition visait désormais le niveau de Gladiator et Troie. Lors des scènes de batailles avec des centaines de soldats à cheval, on voit clairement l’inexpérience de la production pour ce type de film, notamment dans les arrière-plans où les figurants semblent répéter leurs mouvements au ralenti.

Le résultat technique démontre également l’importance du rôle de Jingle Ma dans les films de Stanley Tong, qui brille ici par son absence. Jingle Ma était en effet le directeur de la photographie de Rumble in The Bronx et First Strike, qui livrait une qualité d’image à la hauteur des productions US de l’époque. L’adaptation de Mulan (Mulan : La Guerrière Légendaire) que Jingle Ma a signée en 2009 lui est d’ailleurs techniquement et artistiquement supérieure.

 

La direction artistique est elle aussi typique des blockbusters HK de l’époque, notamment celles des scènes dans le présent où la production design se voulant originale (Jack vit sur un bateau) atteint des sommets de laideurs. On sera plus indulgent sur les effets numériques qui, de toute manière, ont toujours été le point faible des productions HK. Le budget limité, allié à une ambition mal contrôlée, ne peut donner qu’une mauvaise finition. Aujourd’hui encore, il est courant de voir des VFX dégueulasses, comme dans le récent Mad Fate de Soi Cheang.

Si le scénario, co-écrit par l’un des scénaristes de Tigre et Dragon, a la sympathique idée de jouer la carte de l’histoire d’amour éternel, les personnages sont bien trop caricaturaux pour emporter le spectateur. Néanmoins, on appréciera la facette mélancolique du personnage solitaire de Jackie Chan, assez rare dans un film d’aventure. On ne peut pas dire que le film se termine bien. Non seulement son histoire d’amour ne sera jamais concrétisée, mais il a également perdu son ami. Malheureusement, ces aspects n’intéressent guère Stanley Tong et sont clairement sous-exploités, finissant par donner un goût d’inachevé et superficiel au film.

On retiendra surtout des scènes de combats millimétrés, certes courts, mais vifs et bien supérieurs à ce qui se faisait à une époque où les « wu xia pian » surutilisaient le découpage et les câbles. Ici, l’action est nette, que ce soit lors des scènes au présent typiquement « channiennes » ou celles dans le passé plus classiques et brutales. De plus, The Myth bénéficie d’un très bon rythme qui permet de ne jamais s’ennuyer durant les 2h que dure le film. Et ce, malgré un final raté, mais pas inintéressant. Celui-ci reprend le concept en « apesanteur » déjà initié dans First Strike pour le final hilarant sous l’eau.

On regrettera enfin l’aspect « aventure » clairement absent qui se limite à une visite d’un temple indien, le mausolée du premier empereur Qin et son armée d’argile et une grotte dont l’accès se fait sans difficulté.

 

Près de 20 ans plus tard, The Myth reste donc une production décevante sur le plan technique et artistique, mais bien moins cynique et mercantile que Kung Fu Yoga et Vanguard. Ce qui le rend au final bien plus sympathique que ces derniers.

En fin de compte, on mesure à peine maintenant à quel point Stanley Tong n’est pas un cinéaste, mais plutôt un très bon directeur d’action. Sa volonté de livrer des scènes de combats authentiques et à l’ancienne est fort louable, mais ces dernières années, il a péché par un égo surdimensionné, persuadé qu’il est l’élément créatif qui a permis à Jackie Chan d’avoir la carrière internationale que l’on connait.

Le site IMDb annonce la présence de Jingle Ma au poste de directeur de la photographie de A Legend. Si rien n’est confirmé à l’heure actuelle, les retrouvailles sont de bons augures concernant la 7e collaboration entre Stanley Tong et Jackie Chan. Par ailleurs, le chorégraphe Tak Yuen (Richard Hung), qui avait signé quelques combats aux sabres de The Myth, est également présent. Si Jingle Ma est confirmé, Stanley Tong semble avoir voulu réunir les meilleurs éléments de sa grande époque. Peut-être est-ce le signe d’une prise de conscience ? Hélas, trop tardive.

À l’heure où vous lirez ces lignes, A Legend peine a attiré les spectateurs chinois dans les salles et subit littéralement un bashing sur les réseaux sociaux, notamment Stanley Tong, où certains internautes vont jusqu’à le traiter d’escrocs. Un bashing qui pourrait s’avérer au final injuste tant il n’est pas difficile d’imaginer A Legend bien supérieur à ces deux dernières productions.

Et qui sait ? Il est peut-être même supérieur à The Myth.

4 Comments
  • Klc

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    Je n’étais déjà pas enthousiasmé par ce projet à l’époque. Comment après l’excellent New Police Story, JC s’est-il retrouvé dans ce bourbier ? et 20 ans plus tard, mon avis n’a pas changé. Je n’ai jamais apprécié ce film et je suis d’accord avec toi sur l’égo surdimensionné de ST. Il est insupportable à prendre JC en otage avec des films de piètre qualité. J’espère que JC va revenir aux sources !

    • Tirry

      Ca dépend. Si tu parles d’un point de vue économique. C’est à dire pour que Jackie Chan retrouve les faveurs du box-office chinois, c’est tout sauf à la source à laquelle Jackie Chan doit revenir.
      Le public chinois d’aujourd’hui est un peu le même que le grand public français : il veut que l’on parle de son quotidien ou des films qui reflètent la vision du pays. En tant que pur divertissement, les films de Jackie Chan sont dénués de tout cela. Aujourd’hui, ce sont les comédies sociales et les blockbusters démesurés de préférence patriotiques et folkloriques qui cartonnent.

      Si tu parles d’un point de vue qualitatif, le retour aux sources semble vain puisqu’à 70 ans, il est normal que Jackie ne puisse pas rivaliser avec celui qui l’était à 30 ans (Police Story).Ne pouvant naturellement plus compter sur ses performances athlétiques, Jackie doit désormais privilégier uniquement des projets de vrais cinéastes. Et qu’importe qu’ils soient débutants ou confirmés. L’intégrité et la vision artistique avant tout et des scénarii en béton, qu’importe le genre ou le sujet. Finalement, quelque chose qui devrait être la norme.

      Le cinéma d’exploitation (donc commercial), c’est fini pour lui. D’ailleurs, il a perdu la confiance des investisseurs. Par ailleurs, je suis très curieux de voir comment Stanley Tong va rebondir. À moins que les deux comparses se dirigent vers des productions directement pour les plateformes de streaming comme Iqiyi, Youku et Tencent.

      Un mot sur A LEGEND : rien ne dit que le film n’aura pas meilleure réputation à l’international. Je demande à juger sur pièce. Néanmoins, avec Stanley Tong à la barre, je ne vais pas non plus m’attendre à un chef-d’œuvre. Mais si ça se trouve, c’est le meilleur film de Stanley Tong depuis First Strike. ^^

  • KLC

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    Merci pour ton commentaire. Quand je parlais de retour à la source c’est plus vers des choix artistiques. Cela veut dire des productions HK avec des réalisateurs qu’il connaît (à l’exception de Stanley Tong). Qu’il retourne aux sources mais en prenant en compte son âge et son physique. Est-on sûr que ce n’est pas JC qui se raccroche à Stanley Tong et pas l’inverse ?

    • Tirry

      Disons que Jackie Chan a fait plusieurs films sans Stanley. L’inverse est bcp plus rare. En solo, on compte surtout Project S avec Michelle Yeoh, Mr Magoo avec Leslie Nielsen, China Strike Force et le remake de Shaolin Temple en 2020.

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