[PREVIEW] THE FOREIGNER : ils auront sa haine !

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Lorsque l’on parle de Jackie Chan, on pense instantanément à un clown bondissant mêlant savamment bastons homériques, jonglages, acrobaties, cascades et humour bon enfant.  Cependant, THE FOREIGNER, thriller sans concession de Martin Campbell, devrait logiquement changer définitivement la perception du grand public. Sortie le 30 septembre en Asie et le 13 octobre aux Etats-Unis, le film a déjà réuni plus de 100M$ au box office mondiale !

Le projet THE FOREIGNER ne date pas d’hier. C’est d’abord un thriller de plus de 400 pages, écrit en 1992 par l’auteur britannique Stephen Leather, intitulé « The Chinaman ». La campagne de bombardements de l’Armée Républicaine Irlandaise provisoire (l’IRA) était à son paroxysme à l’époque, rien d’étonnant que le bouquin se soit taillé une réputation à la fois sulfureuse et élogieuse chez nos voisins britanniques.

De par son pitch, simple et concis, on pense tout de suite à des films du genre « vigilante movie », popularisé en 1974 avec Un Justicier dans la Ville de Michael Winner avec Charles Bronson, puis en 1999 par Payback de Brian Helgeland avec Mel Gibson. Le succès de Taken en 2008 viendra renouveler le genre avec des scènes d’actions inspirées par la trilogie Jason Bourne.

Jugez plutôt : Nguyen Ngoc Minh, un vietnamien perd sa famille dans un attentat terroriste à Londres. Après avoir été éconduit par les autorités, Nguyen, un ex-soldat ayant servi aux côtés des Viêt Công puis plus tard aux côtés des Viêt Minh, se rend en Irlande et traque les hommes responsables.

Le pitch du bouquin sera quasi identique au film, si ce n’est une légère modification en la présence de Jackie Chan. Ainsi Nguyen devient Quan, un immigré chinois et non vietnamien.

En 2014, la société de production anglaise The Fyzz lance le développement du scénario sous la plume du scénariste réputé David Marconi, connu pour avoir signé le thriller Ennemi D’Etat et Die Hard 4 : Retour en Enfer.

De l’aveu même de David Marconi, le film n’aurait pas pu se faire si Jackie Chan n’avait pas accepté. Alors que Jackie est surtout connu pour ses rôles humoristiques, Martin Campbell a déclaré avoir été surpris par son rôle très sérieux dans Karate Kid : « En cela, j’ai réalisé qu’il était taillé pour le rôle. Et il l’a fait. Il est excellent ».

Martin Campbell, c’est le réalisateur qui a réussi à dépoussiérer la cape de Zorro (les films avec Antonio Banderas) et renouveler par deux fois le personnage de James Bond avec GoldenEye avec Pierce Brosnan en 1995 et surtout Casino Royale avec Daniel Craig en 2006. Martin Campbell que l’on n’avait plus vu au cinéma depuis l’échec artistique et commercial de l’adaptation du comics book, Green Lantern en 2011 et qui est bien trop éloigné de son style réaliste, sec et brutal.

Pour autant, ce n’était pas acquis pour Campbell. Malgré qu’il ait été attaché dès le début au projet, THE FOREIGNER lui échappa un temps des mains pour des raisons contractuelles avec Relavity Media pour qui il devait réaliser le film Hunter Killer. Le projet fut alors proposé à Nick Cassavetes, le réalisateur touche à tout de N’oublie Jamais, Alpha Dog ou encore la comédie Triple Alliance. Mais à cause des difficultés financières de la société Relativity Media, Hunter Killer a été abandonné et Campbell a pu retourner sur THE FOREIGNER. Et c’est une très bonne nouvelle tant le cinéaste est attiré par les sujets complexes et par les scènes d’actions brutales. Il y a dans la filmographie du vétéran réalisateur un sujet de prédilection concernant les affaires de « justice » et « d’auto-justice ». En témoignent des films comme La Loi Criminelle (1988), Sans Aucune Défense (1991) ou encore Hors de Contrôle avec Mel Gibson en 2010. Ce dernier fut d’abord une mini-série anglaise « Edge of Darkness » pour laquelle Martin Campbell a réalisé les 6 épisodes en 1985.

Martin Campbell est incontestablement le réalisateur idéal pour mettre en boîte un thriller sans concession. C’est la première raison qui fait que THE FOREIGNER est un projet cinématographique excitant et pas seulement dans la carrière de Jackie Chan. Pour autant n’allez pas croire qu’il s’agit là d’un énième « Taken-like », dont le cinéma hollywoodien nous abreuve régulièrement avec des films comme John Wick ou le néanmoins sympathique The Equalizer.

Sans aucun doute possible, le film est un peu plus psychologique que les films cités plus haut. Si Martin Campbell est très efficace pour emballer des scènes d’actions très brutales, le réalisateur montre aussi une certaine exigence concernant la dramaturgie et c’est ce qu’il a emballé sur le projet : « c’est d’abord une bonne histoire. Il y a beaucoup de personnages intéressants. Il y a toute une histoire politique avec le personnage de Pierce Brosnan qui est vraiment captivante. C’est beaucoup plus complexe que le thriller moyen. Et c’est d’abord pour cela que je l’ai fait ».

C’est Arthur Sarkissian, glorieux producteur de la franchise Rush Hour qui a convaincu Jackie Chan de rejoindre le projet emmené par Martin Campbell : « Refaire équipe avec Jackie Chan a été une vraie joie, je travaille avec lui depuis plus de 20 ans ; C’est un véritable professionnel. C’est l’un des acteurs les mieux préparés et les plus engagés avec un véritable charisme. The Foreigner est tellement différent de tout ce que Jackie a fait jusqu’à présent. La profondeur avec laquelle Jackie joue ce rôle surprendra le public car il est tout simplement incroyable ».

Il n’existe pas une infinité de coups de poing ou de coups de pied. L’ingéniosité du projet réside dans la volonté d’avoir poussé très loin le côté dépressif du personnage campé par Jackie Chan faisant par ailleurs passer sa prestation dans New Police Story pour une petite déprime ! Il faut voir comment, dans les premières images aperçues dans les différentes bandes annonces, la mise en scène de Martin Campbell dépeint la souffrance de Quan, un homme vieillissant aux cheveux grisonnants et le dos courbé, n’hésitant pas à s’attarder sur l’intimité du personnage.

Jackie le reconnaîtra lui-même : « Martin Campbell ne voulait pas voir Jackie Chan ».  Même lorsque la star asiatique s’est montrée pour la première fois sur le plateau de tournage, Campbell a exigé qu’on le vieillisse encore plus. Faut croire qu’à 63 ans, Jackie en parait 10 de moins. Un challenge donc pour Jackie qui a dû subir la pression du réalisateur malgré son statut de superstar internationale bien trop souvent habitué à tourner avec ses copains réalisateurs comme Stanley Tong, Benny Chan ou Ding Sheng.

Après les prises de vue, Martin Campbell faisait répéter les scènes du lendemain à Brosnan et Jackie, dans sa chambre d’hôtel. Un tournage qui n’a pas été de tout repos pour Jackie qui a dû puiser profondément en lui pour trouver les émotions demandées par le réalisateur. Jackie avoue n’avoir jamais rencontré un réalisateur aussi consciencieux : « Je travaille depuis de nombreuses années et je n’ai jamais rencontré de réalisateur aussi exigeant. Il ne m’a laissé aucun répit ».

Quan va devoir renouer avec son ancienne vie qu’il pensait enterrée. Une vie passée dans l’enfer de la guerre du Vietnam pour le compte des Etats-Unis. Un côté Rambo : First Blood (1984) qui n’est pas pour déplaire. Le personnage de Jackie devra alors au fur et à mesure de sa quête vengeresse réadapter son corps rouillé avec le temps. Les scènes d’actions sont très différentes de ce que Jackie fait habituellement. Plus brutales que chorégraphiées, Martin Campbell a souhaité s’inspirer du CQC (pour Close Quarter Combat), une technique de combat militaire ultra efficace dont le but est de tuer son adversaire. Des chorégraphies de combats plus adaptées finalement aux 63 bougies de Jackie avec des combats plus découpés et nerveux que fluides et acrobatiques.

Il n’y aura pas que des combats à mains nues. Dans le film, oûtre le couteau, Quan va utiliser toutes ses compétences dans les armes à feu et les explosifs qu’il va élaborer lui-même, de manière artisanale afin de faire réagir les autorités et faire sortir les responsables de leurs terriers. Un vrai bordel dans Londres à prévoir.

Pour autant, ne vous attendez pas à un pur film d’action. Si Jackie Chan est l’argument numéro un pour nous déplacer en masse dans les salles. Le film, fidèle au livre, fera certainement la part belle à l’intrigue politique, reléguant le personnage de Quan au second plan mais dont chaque apparition sera une garantie d’adrénaline pour le public. En cela, le film s’éloigne de Taken pour mieux se rapprocher des films comme Jeux de Guerre (1992) de Philipp Noyce ou La Maison des Otages (1990) de Michael Cimino. The Foreigner ressemble sans doute plus à un film de Martin Campbell avec Jackie Chan qu’un « Jackie Chan Movie ». Et c’est tout aussi bien !

Rencontré sur le tournage de GoldenEye en 1995, Martin Campbell a pensé à l’ex-007, Pierce Brosnan pour assurer la crédibilité des opposants de Quan, en lui confiant le rôle de Liam Hennessy, un politicien travaillant au gouvernement anglais dont le passé parmi les membres de l’IRA amène Quan à penser qu’il connait les terroristes. Un personnage central qui évite le manichéisme de ce genre de film. Plus nuancé donc. Les méchants et les gentils évoluent sur une même ligne de séparation très étroite ce qui pourrait rendre le film sulfureux dans le contexte actuel que connait l’Europe avec les attentats islamistes. A ce titre, le film écope d’un classement R aux Etats-Unis, ce qui veut dire qu’il sera interdit aux mineurs de moins de 18 ans s’ils ne sont pas accompagnés d’un adulte. Parions que le propos du film plus que sa violence, est responsable de cela. D’ailleurs, le film n’a toujours pas de date en Angleterre, pays excessivement touché par les attentats cette année.

Brosnan ne tarit pas d’éloge concernant Jackie tant il a été impressionné par son jeu. De son côté, Jackie Chan a été très touché par le professionnalisme du comédien qui est venu lui donner la réplique alors même que la caméra n’était pas tournée sur lui ! C’est en effet un comportement assez rare chez les grandes stars. Preuve de l’implication de Brosnan sur ce film, lui qui avait disparu dans des productions de seconde zone avec Survivor, Urge ou encore I.T.

C’est d’ailleurs peut-être pour cela que la promotion américaine s’est essentiellement concentrée sur Jackie Chan (le nom de Pierce Brosnan n’apparait pas sur l’affiche officielle) qu’il présente comme le « retour de la légende » alors même qu’il a enchainé 7 films (!) en Asie depuis Karate Kid en 2010 ; dernière production américaine avec Jackie.

7 ans donc que le public occidental a été privé de la présence de Jackie Chan dans les salles de cinéma. Le succès international de THE FOREIGNER,  pourrait ainsi changer spectaculairement cette situation. Les producteurs hollywoodiens, ainsi que des grands réalisateurs  pourraient avoir envie d’embaucher Jackie Chan dans des genres de films différents. 

Il paraît loin le temps où Jackie reniait injustement le superbe polar Crime Story qu’il tourna sous la houlette de Kirk Wong en 1993. Récompensé d’un Oscar pour l’ensemble de sa carrière en novembre dernier, Jackie Chan est bien décidé à montrer au monde entier qu’il n’est pas qu’une star du cinéma d’action mais également un grand comédien : le « Robert De Niro Chinois ». En 2004, New Police Story était une première tentative timide de faire évoluer définitivement son image et on peut qualifier Shinjuku Incident (2009) comme étant le point de départ de sa nouvelle carrière (encore !) post-hollywoodienne. Depuis l’industrie du cinéma chinois a explosé et Jackie Chan n’a eu de cesse d’œuvrer dans des genres de films complétement différents. Il fera même sa première incursion dans la science-fiction à la fin de l’année avec Bleeding Steel (le 22 décembre en Chine).

Pour l’heure THE FOREIGNER, promet un thriller politique haletant avec un Jackie Chan méconnaissable transformé en technicien de la mort où chaque coup porté laissera des marques indélébiles sur le corps et le mental des héros. Victimes ou assassins ? Le 8 novembre, ça sera à vous de juger.

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